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La mort, etc. (2)


"Moi, dit Louiselle, 5 ans et demi, je serai invitée à ton enterrement, Maman. Mais toi, tu ne seras pas invitée au mien. Parce que tu seras déjà morte.

- Ben, oui, rétorque Antonin, 7 ans. D'abord, ce sont Papy et Mamie qui vont mourir, parce que ce sont les plus vieux. Ensuite, ce sera Mamayou, puis Papa, puis toi, puis moi et Louiselle en dernier."

"Sauf si, ajoute-il après une légère pause, on meurt d'accident ou de maladie".

Le ton de la conversation est badine, et mes enfants sont loin de réaliser le gouffre d'angoisse qui, dans le monde des adultes, réside dans ce "sauf si". Puisqu'on meurt lorsqu'on a fini sa vie, l'ordre des décès est régi par un algorithme rigoureux - décalque logique de l'ordre des naissances. 

Mes enfants parlent de la mort très souvent - nous avons sur le sujet une belle discussion hebdomadaire, au moins. L'absence totale d'inquiétude qu'elles contiennent n'est pas sans m'émerveiller... 

Il faut dire qu'à la campagne, la mort est partout. Chaque petit cadavre découvert est l'occasion d'un vrai chagrin - et d'une forte impression. Le regard des morts, en particulier, a quelque chose qui ne trompe pas. "Un mort, c'est un mort, dit Antonin, ça se voit tout de suite." "Est-ce qu'on meurt toujours les yeux ouverts ?" demande Louiselle ? Il semblerait que oui. Et puisque je n'ai pas encore le cran de fermer les paupières figées des tourterelles, campagnols et lézards, nous les enterrons ainsi. Yeux dans les yeux.

Car la mort est aussi l'occasion d'une authentique joie : l'enterrement ! Notre jardin se couvre de tombes dérisoires, creusées et décorées par les enfants. Ils savent exactement où repose qui, et se souviennent de chacun.

Pendant ce temps, les adultes font de leur mieux pour ne pas écrabouiller les frêles croix de bois et se réjouir de vivre parmi tant de bons esprits.

Veillez sur nous, petits fantômes de nos jardins ! 🙏

P.S. Il y a deux ans, j'écrivais déjà un article sur la manière dont mes enfants, 3 ans et demi et 5 ans alors, abordaient la mort. S'il vous plait de le (re)lire, il est ICI.

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