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Tailler au couteau (for kids)


"Faut-il donner un couteau de poche à son enfant ?"

Il fut un temps où chacun avait le sien, y compris les plus jeunes. Accroché à la ceinture ou niché au fond du sac, le couteau était considéré pour ce qu'il était : un outil. Le fait qu'aujourd'hui nous pensions spontanément à une arme lorsque nous voyions quelqu'un dégainer un couteau hors d'une cuisine, est un glissement récent, certainement lié à ce qu'on pourrait appeler une "dés-outil-lisation" de l'Homme ...

Ma question initiale revient finalement à celle-ci : "Doit-on outiller son enfant face au monde ?".

Bon, je vais répondre oui, vous vous en doutez ... 😉 D'ailleurs, adoptez un couteau et vous verrez : vous ne pourrez plus sortir sans. À chaque fois que nous oublions les nôtres, nous les regrettons amèrement quelques minutes plus tard. On a toujours besoin d'un couteau en balade ! La Loi elle-même, par ailleurs assez nébuleuse sur ce sujet, considère que la randonnée est "un motif légitime" pour les ports de couteaux pliants. C'est dire.


Les enfants, généralement, n'ont pas peur des couteaux. Tant mieux, car il y a déjà suffisamment de choses effrayantes dans ce bas-monde (les monstres sous les lits, les craquements des maisons désertes ...) pour craindre les outils. À bien y réfléchir, un couteau, c'est juste un objet technique dont l'emploi répond à des règles spécifiques. Il y a une manière de le tenir pour ne pas se blesser, une méthode pour qu'il coupe efficacement, etc. Alors, bien sûr, c'est obligé : votre enfant se coupera (et vous aussi 😁). Mais en dotant l'enfant de règles d'utilisation simples mais rigoureuses et non négociables, vous éviterez les accidents graves. En d'autre termes : si on se retrouve à partir aux Urgences en catastrophe, on peut toujours en déduire que c'est parce que l'une des règles d'usage n'a pas été respectée. Une leçon de la vie, en somme. 😶

Montrer à son enfant comment utiliser un couteau, c'est aussi l'occasion de vivre un moment privilégié. Puisque la supervision de l'adulte est obligatoire, on s'assoit côte à côte et on prête une attention conjointe à nos gestes et à nos idées. C'est une grande responsabilité pour nous, adultes, et c'est une grande responsabilité pour l'enfant, aussi. Nous en sortons tous grandis. Enfin, la maitrise de l'outil ne se fait pas en un jour quel que soit notre âge, et nous développons ensemble notre patience, notre précision, et notre humilité. Car pour parvenir à tailler au couteau, il faut de l'humilité ! La matière ne se laisse pas faire tout de suite, il faut apprendre à dialoguer ... 😉

1. Quel couteau choisir pour son enfant ?



Peut-être n'est-il pas nécessaire d'investir dans un couteau "pour enfant"... C'est néanmoins le choix que nous avons fait ici : les lames sont plus courtes que ceux des modèles classiques, le manche est adapté aux petites mains, la pointe est arrondie. Néanmoins, attention, ces "modèles réduits" coupent aussi bien que les grands, c'est-à-dire ... très très fort ! Ce qui est une qualité, pour un couteau, je vous l'accorde. 😉

J'hésitais entre les deux marques "phares" : Opinel et Victorinox (dit "couteau suisse"). Bon, puisque j'ai deux enfants, j'ai tranché (c'est le cas de le dire ...) ... en achetant un modèle de chaque. 😁 Et je suis aujourd'hui en mesure de les comparer.

Scie à bois Vertorinox

Les atout du couteau suisse :
- Il passe au lave-vaisselle.
- La lame mince coupe du tonnerre et vient à bout de n'importe quelle entreprise. Son format fin peut s'avérer utile lors de travaux de précision (finitions, gravures ...).
- Il propose plusieurs outils dans le même manche. Oui, c'est la définition même du couteau Suisse, d'accord. La scie à bois est une bonne option à avoir, elle coupe efficacement et se révèle très utile.

Les points faibles du couteau suisse :
- Il propose plusieurs outils dans le même manche. 😄 On se retrouve toujours avec un tas de gadgets que l'on n'a pas choisi, et qui ne serviront pas.
- Il est lourd. Because les gadgets.
- Il est un peu cher. Because les gadgets.
- Le système de sécurité ne me plait pas de tout ! Pour replier la lame, il faut presser un bouton ... qui se trouve sur la gouttière (fente dans laquelle la lame rentre, vous voyez ?). Cela suppose de positionner ses doigts entre la lame et le manche, pile là où le tranchant de la lame va se replier ! C'est contraire à tous les gestes que j'inculque à mes enfants concernant l'usage du couteau, donc c'est pour moi un GROS point négatif pour ce modèle "enfant" ...


Les atouts de l'Opinel :
- La lame large coupe du tonnerre et vient à bout de n'importe quelle entreprise. 😊 Sa taille idéale fait que c'est LE couteau qu'on dégaine à tout bout de champs, elle se prête à tout type de travaux et permet au débutant de bien visualiser son geste.
- Le système de sécurité est top, permettant à l'enfant de replier son couteau avec un geste net et précis. On bloquer la lame lorsqu'elle est ouverte, bien sûr, mais aussi quand elle est fermée.

Les points faibles de l'Opinel :
- Il ne passe pas au lave-vaisselle.
- Euh, là, présentement, je ne vois pas d'autres points faibles ... Et vous ? 😊

Personnellement, je me prononce donc largement en faveur de l'Opinel, mais j'ai ici un Damoiseau de 7 ans qui n'est pas du tout de mon avis. 😄 Qu'on se le dise.

2. Sécurité et grands principes


Le fait que l'usage du couteau soit régi par tout un tas de règles à respecter fait partie de la magie de cet outil un peu à part. Pour moi, je n'hésite pas à en faire des tonnes, théâtralisant, roulant des yeux, lançant des sentences à la manière d'un mage initiatique ... Les enfants ne s'y trompent pas : avoir un couteau dans le main n'est pas un acte anodin. C'est une grande responsabilité qu'on ne confie ni aux bébés, ni aux fous.

Nos règles très très très sérieuses : 

 - Qui dit couteau, dit trousse de Premiers secours. On n'emmène pas le premier sans la seconde. J'enseigne à mes enfants à nettoyer et à panser une plaie dès que l'occasion se présente - Louiselle, en particulier, montre tous les signes d'une vocation précoce en médecine ... 😊

- On ouvre la lame dans l'optique d'une tâche précise, et on la referme aussitôt auprès usage. S'il est ouvert, un couteau est en main en train de servir. Sinon, il est dans la poche, replié.

- De même, si on doit le donner à quelqu'un , on le tend fermé.

- Lorsqu'on tient un couteau ouvert, on ne se déplace pas. Si je dois faire ne serait-ce qu'un pas en avant, je ferme mon couteau pour cela.

- Pour le couteau suisse : on n'ouvre jamais deux outils en même temps. Une lame pour un manche, toujours.

- La dangerosité de mon couteau est ma responsabilité en propre. Si mon couteau blesse un tiers, ce sera à moi d'en rendre compte. En conséquence, je demande aux enfants de ne jamais prêter leur couteau à un autre enfant, dont on ne sait s'il a été "initié".

- On emporte son couteau en promenade, on le sort au jardin, mais on ne le prend en aucun cas pour aller à l'école, ou se rendre dans un lieu public (musée, hippodrome, zoo  ...).

Attention :
Il est important de superviser les jeunes enfants. Pour le moment, je ne laisse pas Antonin et Louiselle (7 et 6 ans) utiliser leurs couteaux sans la présence et l'attention d'un adulte. Je relâcherai la bride en suivant mon feeling au cours des années à venir, mais pour le moment, les bonnes postures et les règles d'usage sont encore en construction.

3. Les bons gestes



- On tient son couteau fermement dans son poing. Le pouce ne prend pas appui sur la mitre, mais vient recouvrir les autres doigts repliés. Cette position est contre-intuitive et demande des rappels constants !


- On coupe toujours dans un mouvement qui va vers l'extérieur, jamais vers soi. Pour plus de stabilité, on peut appuyer l'extrémité libre de la branche contre une surface ferme (tronc, pierre ...) et travailler debout ou à genoux.


Pour consolider ce principe du "mouvement vers l'extérieur", nous jouons à un petit jeu : je prends un couteau à beurre (un couteau qui ne coupe pas !) et je fais semblant de tailler une branche, en variant légèrement la posture à chaque fois. Les enfants doivent me dire si ma position est bonne ou non : mon mouvement va-t-il vers l'extérieur ? Si ma lame dérape, frappera-t-elle le vide ou mon corps ?

Photos by Antonin : toutes ces postures sont à proscrire !! Saurez-vous trouver pourquoi ?

4. Un livre pour progresser en famille



A ma connaissance, il n'existe pas grand livre sur le sujet ... Rien en tout cas dans mon réseau de bibliothèques ... 😔 Après bien des hésitations, j'ai fini par acquérir Apprends à sculpter sur bois, un peu en aveugle, sans avoir pu le feuilleter d'abord. Et bien, bingo : c'est exactement le manuel que je cherchais !!


Les quelques pages d'introduction valent à elles seules leur pesant d'or : l'enfant y apprend à manipuler son couteau en toute sécurité, à l'aiguiser, à choisir et à identifier le bois à sculpter, à pratiquer différentes coupes (en butée, en biseau, etc.) ...

Mentions spéciales pour :
1. La petite méthodologie toute simple pour fermer son couteau, qui consiste à appuyer le dos de la lame sur une table pour la replier dans le manche.
2. L'entrainement sur une tomate pour comprendre la différence entre une coupe droite et une coupe en biseau ! 🍅

Chaque phrase est illustrée par une photo, ce qui rend l'ensemble clair pour tous les âges.


Les 21 projets du livre sont classés par ordre de difficulté. Ceux dédiés aux débutants sont vraiment à la portée de mes enfants. La bonne idée en plus, c'est de consacrer en début d'ouvrage trois activités de taille de fruits et de légumes, plus tendres que le bois. L'apprenant se concentre sur le maniement de l'outil et les bons gestes à opérer pour obtenir tel ou tel effet, sans éprouver trop cruellement la résistance du matériau travaillé.

5. Que faire avec un couteau ?


On ne prend pas un couteau par désœuvrement, pour jouer avec dans le vide. On a toujours (toujours !) un objectif précis en tête - un projet.


Les sorties en Nature fournissent tout un tas de situations authentiques et stimulantes pour manier un couteau.

- Ôtez l'écorce des bâtons glanés en promenade plait beaucoup aux plus jeunes, et on peut créer très simplement plein de motifs. Pour corser un peu la chose, on peut essayer de tailler en pointe l'extrémité des branches les plus courtes : voilà d'excellents piquets, qui seront investis en jardin pour marquer ou tuteurer les plantations par exemple.

- La construction de cabanes est un must incontesté - on travaille en famille ! Pour la méthodologie d'un tel projet, je vous renvoie à la page 190 de mon livre Une année pour apprendre en s'amusant.


- Pour le reste, j'ai consacré un sous-tableau Pinterest à la taille de bois au couteau. Voilà qui, ajouté aux idées de Apprends à sculpter sur bois, devrait nous occuper quelques années ! 😊


Si vous avez d'autres idées, je suis preneuse ! 😊

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